JORDAN CADIOT
GUYANE
Trois semaines, ça va passer vite, mais l'attente est longue quand même ! Encore trois semaines et je m'envole pour une nouvelle aventure, cette fois-ci en Guyane Française pour dix jours et avec mon bon ami Damien !
Il est grand temps de repartir, ça manque vite ! Avec Damien on avait parlé de se faire un trip tous les deux, il n'a pas fallu longtemps pour que ça se mette en place.
Nos billets sont pris depuis mi octobre déjà, et le plus gros est maintenant prêt à l'heure où j'écris, le 12 janvier. La voiture est louée, on a programmé notre circuit jour par jour, dans quels coins aller pour espérer trouver telle ou telle espèce (un grand merci aux quelques personnes qui m'ont gentiment donné des conseils et filé des spots !), et là où on dormira. D'ailleurs j'ai hâte puisqu'on passera la majeure partie de nos nuits dans des carbets, donc en hamac, et ça sera la première fois !
Il ne manque qu'à faire le point sur le matériel pour vérifier que j'ai tout ce qu'il faut. Ensuite patience, avant de retrouver la jungle, amazonienne cette fois, 10 mois après les forêts de Madagascar.
Pour cette aventure je vais aussi essayer de faire un compte rendu jour après jour, le principe me plaît bien et puis ça peut être utile pour raviver les souvenirs plus tard !
Il y a aura donc le récit ici-même, à suivre, et une autre page où il n'y aura que les images, comme pour le voyage à Mada !
- 20 JANVIER 2020
Encore 16 jours à attendre. Je suis quelqu'un de plutôt patient, mais pour le coup je suis plutôt impatient là ! D'autant plus que mes sacs sont sortis, et déjà remplis ! Oui je les ai rempli deux semaines avant le départ, c'est un peu prématuré, mais j'avais un doute quant à la capacité de stockage de toutes mes affaires, alors il fallait que je sois sur. De toute façon je vais de nouveau les vider et les remplir ensuite pour recontrôler tout le matériel et les affaires et être sur de ne rien oublier, ça serait con !
Je suis tellement pressé que je songe déjà au prochain voyage... J'ai encore des vacances à prendre, une semaine. Mais une semaine c'est court, alors je prendrai probablement une semaine de plus pour partir. Rien est encore fait, j'attends de revenir de Guyane dans un premier temps, et on verra pour la prochaine destination, mais je pense savoir où ça sera !
Pour l'heure je teste et reteste mon matériel, notamment mes systèmes de lumière avec les flashs.
- 4 FEVRIER 2020
Debout 3h30 pour aller chercher Damien et ensuite aller à l'aéroport de Nantes. Toujours chiant le contrôle du sac photo, tout est bien rangé et il faut s'empresser de vider le sac et ensuite le refaire à la va vite, mais c'est comme ça. Une fois à Paris on a seulement 1h30 à attendre, ça passe plutôt vite. On décolle à 11h, impossible de m'endormir dans l'avion, j'ai somnolé au mieux. A 20h on atterri, 16h ici en Guyane. On récupère la voiture de location mais en contrôlant l'état du véhicule par rapport à ce qu'ils avaient noté sur la feuille de contrôle on se rend compte que les petits dégâts ne correspondent pas du tout, puis on s'est rendu compte que l'agent nous avait donné la mauvaise clé. On l'a appelé et il est venu nous donner la bonne, maintenant on peut partir !
On va vers Cayenne trouver une grande surface pour acheter à manger et d'autre bricoles mais on ne trouve pas de bouteille de gaz pour les réchauds. On va au carrefour pas loin mais il n'y en a pas non plus, on tente le sport 2000 mais pareil et de toute façon ils ferment tout juste. Je demande au patron si il sait où on peut trouver ça et il nous répond qu'il faut aller voir "les chinois", sans plus de précisions. Bon tant pis, on va faire sans pour l'instant et on décide de parti vers Kourou comme prévu, 1h de route, il fait déjà nuit. Mais à mi-chemin on voit deux trois boutiques en bord de route, les fameux chinois ! Et effectivement ils ont des petites bouteilles de gaz ! On arrive ensuite à un carbet à Kourou, le propriétaire nous accueille et nous explique comment ça fonctionne.
Et on ne tarde pas à voir les premières bêtes ! Une belle matoutou est là sur un tuyau, la première, magnifique ! On en voit trois autres sur quelques mètres carrés, génial !
On installe nos hamacs, un peu sceptiques, c'est la première fois pour tous les deux, mais ça le fait.
Un petit serpent fait son apparition au milieu du carbet, le propriétaire nous dit que c'est un grage juvénile, j'ai un doute mais je lui fais confiance. Je prends des photos en faisant attention puisque le grage est venimeux. Il nous dit qu'il faut le tuer parce que s'il y a un petit la mère n'est pas loin et qu'il reviendra si on le met plus loin. Je fais mes photos et malheureusement je le tue, il y serait passé de toute manière. Et après vérification (qu'on a pu faire que bien plus tard) il s'avère que mon instinct avait bon, ce n'était pas un grage mais un Leptodeira annulata, inoffensif !
On fait quelques photos des mygales surtout, une grenouille, des fourmis coupeuses de feuilles. Puis on se décide à manger, on test les repas déshydratés, et bien ce n'est pas mauvais du tout ! Ca rempli bien le bide et c'est très pratique ! Une douche (froide, va falloir s'habituer... ps : même après plusieurs jours j'avais toujours autant de mal, je ne m'y ferai jamais à la douche froide !) et on va essayer de passer la première nuit dans le hamac mais il fait lourd, encore 27°C environ.
- 5 FEVRIER 2020
Mis à part 4 ou 5 réveils dans la nuit cette première en hamac n'a pas été si mal ! Le carbet se trouve près d'une route où ça circule pas mal, puis il y a eu du vent cette nuit ce qui faisait bouger la bâche qui recouvre le carbet, ces deux choses plus les bruits ambiants ont du être la cause des réveils. Mais sinon c'est assez confortable je trouve, est-ce que je dirai la même chose après les autres nuits, on verra !
9h30 on arrive à la montagne des singes, un sentier de randonnée. En théorie, ça se fait en 3h30, on a mis 5h... C'est ça de chercher les petites bêtes et de prendre des photos ! Cette marche m'a beaucoup fait penser à Madagascar quand on état dans la forêt de Ranomafana. On a pu voir des crapauds (Rhinella margaritifera), des petits lézards, un téju (Tupinambis teguixin), un scorpion (Tityus obscurus), des araignées (Trichonephila clavipes), une superbe chenille et un colibri aussi (trop rapide et trop sombre pour espérer une photo malheureusement !).
Puis on est rentré au carbet se poser, et manger, il est déjà 15h30 ! On reste tranquilles et ce soir on va aller chercher des bêtes, de nuit, ça devrait être plus fructueux !
Et bien... Non ! Rien du tout à part un petit iguane sur sa feuille, on a cherché sur le route de Guatemala mais je pense que l'absence de pluie depuis quelques jours y est pour beaucoup. On rentre et je décide d'aller voir les mangroves que nous a montré Jean Pierre le propriétaire du carbet. J'aurais mieux fait de faire comme Damien et d'aller dormir moi aussi, je n'ai rien vu, tant pis !
- 6 FEVRIER 2020
Plusieurs réveils dans la nuit encore mais j'ai bien dormi quand même. J'écoute un peu de musique pendant 30 minutes dans le hamac, le temps que le jour se lève et à 6h30 je me lève aussi. Je vais me raser, je range mes affaires, mon hamac. Vers 8h je commence à préparer un thé et à manger des biscuits puis Damien se lève à son tour. On mange tous les deux et on fini de ranger les affaires et charger la voiture. On va voir Jean Pierre pour lui dire au revoir et direction Montsinery où on va aller faire le sentier Bagne des annamites. Sentier que l'on a fait en 4h au lieu de 2h30 en théorie, la recherche de bêtes et la prise de photos ça prend du temps ! C'est un très beau sentier en tout cas, on y a vu entre autres des fourmis légionnaires (Eciton burchellii), impressionnantes ! Et une belle araignée du genre Micrathena je crois (Micrathena schreibersii exactement). On s'est pris notre première pluie aussi, ça fait du bien !
On regagne la voiture à 14h et on va à la ville de Montsinery pour manger un peu, ensuite à 15h on a un vol en hydravion de prévu ! Le bateau vient nous chercher sur le ponton et nous amène à leur petite base de décollage un peu plus loin au bord de la forêt. Damien y va en premier et après une quinzaine de minutes c'est mon tour !
Et c'est vraiment trop cool ! Voir la forêt d'au dessus et dans un petit avion comme ça c'est génial ! De retour sur la terre ferme on retourne en voiture et maintenant on se rend à Cacao, 1h de route. Enfin en théorie... Il y a un gros accident sur la route, un camion renversé apparemment, de gros moyens déployés, plusieurs camions de pompiers, des véhicules de gendarmerie, des militaires, et deux hélicoptères. On a appris plus tard que c'est un petit camion militaire qui s'est renversé, 12 blessés dont 3 graves. Après 45 minutes on a pu reprendre la route, une route qui m'a rappelé celle pour aller à Ranomafana, pleine de virages et bordée par la forêt !
Une fois arrivés à Cacao on cherche un camp vu sur internet mais impossible de mettre la main dessus, il va bientôt faire nuit et on cherche encore.... Je vais demander à un restaurant si ils savent où on pourrait être logés. Le monsieur me dit qu'il a des bungalows mais c'est bien trop cher, et il me donne la direction d'un carbet un peu plus loin. Alors on va voir et la dame nous dit qu'elle vient de refaire la peinture et d'autre travaux, elle a du voir qu'on était un peu désespérés et nous a quand même acceptés, la peinture était sèche alors ça allait ! On a une super vue de nos hamacs. Ce soir le repas est compris, on a pas eu le choix mais c'était très bon et consistant.
- 7 FEVRIER 2020
La nuit elle n'a pas été bonne par contre... On était mal à l'aise dans nos hamacs et je me suis fait emmerder par un moustique ! La vue au réveil était appréciable cependant. On prend notre temps et on décide de finalement pas rester à Cacao et d'aller directement vers Kaw. Avant de partir j'ai appelé Florian Réveillion pour avoir des infos sur des grottes dans lesquelles trouver des amblypyges. Des infos précieuses et aussi des contacts qui pourraient nous aider sur place, merci beaucoup Florian ! Parmi ces contacts Philippe Soler qui est instituteur à l'école de Cacao et qui tient le Planeur bleu où il présente différents invertébrés. On a attendu 2h pour le rencontrer mais malheureusement il était trop occupé, tant pis, on aurait du prévenir plus tôt. Direction Kaw, en passant par Roura faire le plein d'essence. La route de Kaw est aussi bordée par la forêt c'est vraiment beau, mais elle est par contre beaucoup moins praticable que celle de Cacao ! Il y a des trous partout ! On s'arrête vers 13h pour manger un peu, au bord de la route. Il se met à pleuvoir un peu mais c'est pas grave, on fait quand même nos pâtes avec le réchaud, un peu de fruits au sirop pour le dessert, et ça ira bien !
On arrive peu de temps après au camp caïman mais on ne voit personne, alors on va plus loin au camp Patawa, un monsieur est là mais il nous dit qu'il prend que sur réservation et qu'il faut aller au camp caïman, eux prennent "à la volée". On explique qu'on en vient et qu'on a vu personne mais il nous affirme qu'il doit y avoir du monde, alors on y retourne. Et effectivement une dame est là quand on arrive, top ! Elle est très gentille et nous indique trois carbets appartenant au camp où on peut s'installer, dont un qui est situé plus loin en contre bas, au bord d'un point d'eau au milieu de la forêt, c'est grandiose ! Demain il est réservé donc on devra aller dans un autre carbet mais pour ce soir et les jours suivants c'est pour nous, génial !
On fait un peu le tour, on s'installe tranquillement et on en revient toujours pas de cet endroit ! Ce soir on va essayer de trouver des bêtes autour de notre campement. Ah oui ! La dame du camp nous a dit qu'il y a parfois des caïmans dans ce point d'eau ! Et il y a aussi des agoutis qui viennent auprès, qu'il ne faut pas les chasser, ça tombe bien c'est pas notre genre ! D'ailleurs à peine installés qu'un agouti est venu de la forêt vers nous, pas très farouche, on a pu prendre quelques photos.
Et là je profite de ce calme pour écrire, avant de manger et chercher des bêtes ! Ou finalement chercher des bêtes d'abord puisque j'ai un peu de temps ! Je vois seulement les pinces d'un scorpion dans son trou, sinon une petite mante et des fourmis balaises ! Je me rends compte qu'après en discutant avec Damien que ces fourmis balaises sont des Paraponera clavata, autrement appelées fourmis balle de fusil à cause de leur piqûre très, très douloureuse.
Repas déshydratés au menu ce soir, riz curry pour Damien et pâtes bolognaise pour moi, c'est vraiment bon !
On retourne chercher des bêtes et après on va dormir, en espérant passer une meilleure nuit cette fois.
2h de photos, plusieurs bêtes vues ! Chenille, mygales, mante et autre petites bêtes.
Ectatomma tuberculatum
Derbidae
Metriomantis sp.
Liturgusa sp.
Limacodidae
- 8 FEVRIER 2020
Un super réveil dans le hamac avec ce bel environnement autour de nous, le jour se lève doucement, et vient la pluie, une bonne averse ! Il est temps parce que c'est censé être la saison des pluies et il ne pleut presque pas, même les locaux nous disent que ce n'est pas comme ça d'habitude... On mange et on va installer nos hamacs dans un autre carbet du même camp, celui-ci était réservé ce soir mais on y reviendra les nuits suivantes.
On va essayer de trouver la grotte dont nous a parlé Florian. Sur la route on s'arrête au kilomètre 30, le seul endroit sur la route de Kaw où il y a du réseau apparemment. Mais petit problème, la voiture ne redémarre plus... Ca semble être la batterie mais on ne comprend pas comment ça se fait. Damien appelle son frère pour avoir de l'aide, mais on ne peut pas faire grand chose, sauf pousser la voiture dans la petite pente sur la route juste à côté ! Le frère de Damien nous confirme que ça peut fonctionner si on se met en deuxième, alors c'est parti pour pousser la voiture, Damien au volant, moi derrière ! Et heureusement ça a fonctionné !
On part rechercher cette grotte mais on ne trouve pas le sentier qui y mène, Florian nous avait bien dit qu'il était peu visible de la route, effectivement ! On retourne au kilomètre 30 pour que j'appelle Florian. Après avoir eu un peu plus d'infos on retourne chercher, je vois un endroit qui pourrait être le chemin, Damien n'est pas confiant alors il reste à la voiture et je vais voir si c'est par là. Je prends mon sifflet d'urgence au cas où, mon crochet, et je m'engage dans la forêt. J'essaye d'aller tout droit le plus possible pour que le retour soit plus simple. Après 30 minutes environ je me rends à l'évidence et je me dis qu'il vaut mieux faire demi tour maintenant, c'est plus raisonnable ! Et là c'est moins drôle d'un coup... Il suffit de remonter dans le sens inverse, aussi droit qu'à aller, mais quand on est dans la forêt tropicale ça ne se passe pas tout à fait comme prévu. Après plusieurs minutes de remontée je commence un peu à tourner en rond mais je prends sur moi, si je commence à paniquer c'est foutu. J'entends une voiture passer plus haut, ça me confirme que je suis dans la bonne direction. Bon par contre je n'arrive plus à avancer, c'est trop dense, alors je cherche où me frayer un chemin, mais je me retrouve à avancer à quatre pattes, pas top... Je siffle avec le sifflet pour être sur de ne pas être loin de Damien, et je l'entend klaxonner après avoir donné trois ou quatre coups de sifflet. Quelques minutes après je retrouve la route, à quelques dizaines de mètres de mon point de départ. Une courte mais intense aventure !
Bon toujours pas de grotte par contre...
On retourne au camp pour manger et se poser un peu, cette excursion m'a bien crevé, trop d'émotions sûrement !
On va essayer de trouver l'autre grotte au bout du sentier Coq de roche. Au point d'observation de cet oiseau il y a quelques personnes, on se pose, et on voit les fameux coqs de roche, vraiment sublimes ! On fait quelques images et continue pour trouver la grotte, mais grosse déception... La grotte est inaccessible !
Retour à la voiture, dépité.
Coq-de-roche orange (Rupicola rupicola) mâle et femelle
Au camp on essaye de trouver une marre pas très loin, normalement, mais c'est finalement pas tout près et ça descend beaucoup. On est crevé, surtout moralement pour moi, mais il faut bien remonter. On se pose maintenant, je lave mes vêtements, je prends une douche et on mange, ça fait du bien malgré cette journée décevante.
Petite sortie quand même ce soir autour du carbet !
Pseudophasma phtisicum
Ectatomma tuberculatum
Protambulyx strigilis
Venatorellus viridipedes
- 9 FEVRIER 2020
Réveil sous la pluie ce matin. On va aller à Roura acheter de la nourriture et de l'eau puis on retourne à Cacao pour rencontrer Philippe, l'entomologiste qui tient le Planeur bleu (son musée est ouvert le dimanche et il organise des visites guidée, ça devrait être plus facile pour discuter un peu !). La route se fait bien, en 1h30 on y est, il y a du monde aujourd'hui à Cacao, c'est le jour du marché. On va directement voir le musée de Philippe et une fois sa visite guidée terminée on va lui parler, on discute un peu et il nous donne la position exacte de la grotte de Fourgassier, là où on a essayé d'aller la veille sans succès. On repart donc avec de bonnes informations qui devraient bien nous aider ! On fait le tour du marché et on fini par manger là, des nems et des ailes de poulet.
Retour à Kaw, sur la route on s'arrête au supposé sentier et après quelques minutes on met enfin la main dessus ! Génial ! Il faut qu'on retourne au camp pour redéplacer nos hamacs au carbet du bas au bord du point d'eau, et on ne tarde pas à repartir pour trouver cette fameuse grotte ! On est tout fous, on s'apprête à rentrer dans une grotte dans la forêt amazonienne en Guyane, c'est génial ! Les infos étaient très bonnes puisqu'on la trouve directement, sans problème. Il y a pas mal de chauve souris, l'odeur est assez forte dans la grotte et même devant. Même pas 5 minutes après notre entrée je trouve des restes d'exuvies au sol, puis en regardant au plafond, le voilà ! Mon premier amblypyge In situ, et c'est l'extase ! J'en reviens pas et je suis super heureux ! Enfin quoi ! On en voit une dizaine dont un juvénile et un gros spécimen, magnifiques !
Maintenant c'est parti pour les photos, pour l'occasion je manipule le plus gros spécimen. Il est calme et vraiment grand, impressionnant !
A certains endroits sur le sol de la grotte on pouvait voir des exuvies, plus ou moins abîmées, certains encore en très bon état, d'autre en morceaux éparpillés.
Il y avait beaucoup, vraiment beaucoup de criquets comme celui-là, au sol comme aux murs et au plafond.
Je présume qu'ils sont la source de nourriture principale des amblypyges.
Ces criquets sont appelés Ephippigères.
Un grand nombre de chauve souris trouve refuge dans les différentes salles de la grotte. L'odeur y est assez forte alors même que nous n'avons même pas encore mis un pied à l'intérieur, rien qu'à l'entré ça monte au nez ! Et une fois à l'intérieur ça virevolte dans tous les sens, ça nous frôle, et leurs sons se font entendre de manière amplifiée à cause du nombre d'individus présents, plusieurs centaines assurément !
On est resté un peu plus d'une heure dans la grotte mais il faut qu'on reparte pour éviter de rentrer de nuit. On remonte en 10 minutes à la voiture, je suis tellement content ! Retour au camp, on se pose, on se douche, on mange, et on va refaire une sortie nocturne autour de notre carbet. Et quelle sortie !
En premier je trouve une grenouille, un juvénile Phyllomedusa vaillanti je pense.
Après on a vu plusieurs bêtes : un petit crapaud au pied de la Phyllomedusa, une mante, mille pattes, araignées, une autre grenouille et un peu plus loin sur un gros tronc, un amblypyge ! Trop bien ! J'y vais doucement pour ne pas le faire fuir mais il s'avère très tolérant et n'a pas bougé d'un centimètre pendant les 20/30 minutes où je l'ai pris en photo. Je me suis bien fait dégommer par les moustiques pendant ce temps là...
Liturgusa sp.
Heterophrynus longicornis
Ensuite je trouve un énorme papillon !
Caligo illioneus
Puis un truc bizarre sur le bas d'une tige, on dirait une chenille à première vue mais je vois vite qu'il s'agit d'un papillon mort recouvert par un champignon, probablement du genre Cordyceps ou qui s'en approche, un champignon entomopathogène. Et là je suis comme un fou ! Ces champignons me fascinent et je voulais absolument trouver un cas de parasitisme comme celui-là pendant cette excursion de dix jours dans la forêt amazonienne ! Je suis servi parce qu'il est incroyablement beau (oui, "beau" !) !
Je l'ai photographié sous tous les angles et à différentes reprises, pour être sûr d'avoir les images voulues.
Ce sont des champignons qui parasitent et "zombifient" leurs proies qui ne sont autre que les invertébrés.
Ce type de champignon est dit entomopathogène (entomo = insecte / pathogène = cause une maladie) parce qu'il parasite et utilise les insectes et arachnides comme hôtes.
Une fois rentré j'ai recherché des cas similaires dans l'espoir de trouver une identification correspondante parce que les plus connus, à savoir Cordyceps et Ophiocordyceps ne me semblaient pas coller, la fructification avait l'air bien trop différente. Puis j'ai trouvé une image d'un autre papillon parasité avec les même types d'excroissances, puis une deuxième, et une troisième, toutes des papillons. Grâce à ces images et leurs descriptions j'ai pu trouver le doux nom de mon premier cas de parasitisme de champignon entomopathogène : Akanthomyces pistillariaeformis.
C'est celui qui semble être le principal parasite des papillons de nuit. Il y en a d'autre qui se développent sur les araignées, d'autre sur les fourmis, et celui-ci sur les papillons de nuit, je trouve ça fou !
Akanthomyces pistillariaeformis ne serait toutefois pas si différent des Cordyceps puisqu'il s'agit apparemment de la forme anamorphe (forme ou stade asexué d'un champignon. A l'inverse de "Teleomorphe" qui est la forme ou le stade sexué d'un champignon) de Cordyceps tuberculata.
Mais comment en arrive-t-on à un cas pareil ? Comment un champignon peut-il "zombifié" un insecte ou un arachnide ?
Lorsque les spores du champignon sont relâchés dans les airs ils n'ont qu'un but : atteindre une nouvelle proie, un nouvel hôte. Cet hôte est systématiquement un insecte ou un arachnide.
Une fois que les spores du champignon entomopathogène ont réussi à contaminer un animal, ce dernier devient hôte malgré lui. Les spores vont se développer et pénétrer à l'intérieur du corps de l'hôte et petit à petit en prendre le contrôle, mais sans le tuer. Pendant son développement le champignon rompt les connexions entre le cerveau de l'hôte et ses muscles pour lui-même prendre le contrôle des fonctions motrices de l'animal -tout en gardant le cerveau en bon état, donc en maintenant l'hôte en vie, d'où le terme de "zombification"- et ainsi forcer l'hôte à aller prendre de la hauteur sur une branche par exemple, puis le faire s'agripper à ce support pour finir sa vie. Ensuite le champignon continuera son développement jusqu'à la fructification et ses nouveaux spores pourront ainsi être libérés dans les airs dans le but d'à nouveau contaminer d'autres proies.
Je prends en photo une petite saltique (araignée sauteuse) juste à côté, et je continue un peu à chercher. Je trouve une belle Micrathena schreibersii avec son cocon et un opilion pas loin. Damien a pendant ce temps trouvé deux cicindèles, des beaux sujets à photographier !
Il est déjà 23h30, l'heure d'aller dormir un avec grand sourire et des images plein la tête et la carte mémoire après cette journée incroyable !
Micrathena schreibersii
- 10 FEVRIER 2020
Réveil sous la pluie une nouvelle fois, on est un peu crevé mais c'est pas grave, on est reparti. On va aller voir la marre près du camp, il est censé y avoir ce qui s'appelle les explosives là-bas, c'est un gros rassemblement de grenouilles pour la reproduction. Mais il n'y a rien et le niveau de la marre est assez bas, tant pis ! On va donc directement faire le sentier de la réserve Trésor. C'est vraiment un super sentier, rapide à faire et très beau. En plus il s'est mis à pleuvoir et alors l'ambiance était incroyable !
On s'extasie devant cette belle nature, avant de s'extasier devant une superbe grenouille, Dendrobates tinctorius, merveilleuse ! On galère à la photographier mais ça vaut le coup de prendre le temps.
Puis 45 minutes après je vois un terrier et une patte velue bouger à l'intérieur, ENFIN !!! On l'a trouvé notre Theraphosa ! C'est la troisième chose que je voulais absolument voir ici, en Guyane. Il y avait bien sûr les amblypyges en premier, un cas de parasitisme de champignon entomopathogène, et l'impressionnante araignée Goliath (Theraphosa blondi), la plus grosse mygale du monde.
Je la fait sortir avec un bâton pour pouvoir l'admirer et la photographier correctement. Elle est impressionnante et super belle, encore une fois je suis tout fou ! Je voulais absolument en voir une !
Cet individu est un mâle, donc pas aussi gros qu'une femelle peut l'être !
On reste environ 1h avec cette mygale et on croise deux personnes sur le sentier, on discute et la femme nous renseigne sur des espèces à voir et des sentiers à faire. Retour à la voiture et au camp pour manger. Ensuite on est allé à une chute d'eau pas très loin, conseillée à la femme croisée ce matin, plutôt que d'aller aux chutes de Fourgassier qu'elle nous a vivement déconseillé. Trop touristique et dégradé apparemment. On met une heure aller retour, sous une bonne pluie. L'endroit est très joli c'est cool. On remonte sans trop tarder, Damien me dépose au camp et va téléphoner au kilomètre 30. Pendant ce temps je reprends en photo le champignon parasite.
Demain on va passer la journée dans la grotte normalement donc je vérifie que j'ai bien tout mon matériel. Puis comme j'ai rien d'autre à faire je retourne vagabonder dans la forêt autour du carbet, et c'est reparti pour une bonne pluie ! Je ne vois pas grand chose mais je trouve quand même un amblypyge sur un gros arbre creux à la base. Pluie, moustiques, pas grave, il faut que je prenne des photos !
Heterophrynus alces
On était censé rester tranquille ce soir donc je suis allé prendre une douche, mais sur le retour comme je ne peux pas m'empêcher de chercher des bêtes je regarde à la frontale le long du chemin qui mène au carbet et je vois une autre grenouille (Phyllomedusa vaillanti) comme celle d'hier mais plus grosse, ensuite une très grande araignée qui devait faire la taille de main (et j'ai des grandes mains) sans exagérer, puis un amblypyge avec une araignée entre ses pédipalpes, et juste après je vois un truc assez gros et poilu à la base d'un arbre, un paresseux ! Incroyable ! Je cours aussi vite que je peux avec mes claquettes mouillées et le chemin glissant. J'appelle Damien et je lui dis de prendre son matériel photo pendant que je prépare le mien, tout en lui expliquant ce que j'ai vu ! On s'empresse de remonter pour aller voir mais impossible de le retrouver, je ne le vois plus ! J'ai du mal à comprendre et je me demande même si je n'ai pas halluciné, mais quand même, ma santé mentale va bien (je crois !). On a à peine mis 5 minutes pour revenir et le paresseux n'est plus là, c'est pourtant un animal lent c'est pour ça que je ne comprends pas qu'il puisse avoir disparu si vite. Mais bon tant pis, c'est comme ça ! En attendant il y a une super scène de prédation avec un amblypyge qui m'attend ! Je prends des photos avec l'objectif grand angle puisque dans la précipitation c'est le seul que j'ai pris, mais il me faut des photos macro de l'amblypyge et sa proie alors je redescends vite au carbet récupérer mon autre objectif. En revenant une grande sauterelle feuille vole devant moi et se pose au sol, je fais trois photos en dix secondes et je la laisse à Damien. Je vais voir mon amblypyge adoré et je vois qu'il y a aussi deux jeunes dans le trou qui leur sert d'abris. Les photos du plus grand avec sa proie rendent bien et je suis vraiment content !
Cycloptera speculata
Heterophrynus alces
Pour un soirée où on ne devait pas bouger c'est loupé et c'était même plutôt intense, mais génial encore une fois ! Une journée dingue ! Entre hier et aujourd'hui on est servi et c'est top !
- 11 FEVRIER 2020
Aujourd'hui on retourne à la grotte, pour la journée ! Mine de rien il y a pas mal d'animaux à voir : les chauves souris, les amblypyges, des grenouilles, lézards, araignées, opilions, éphippigères (sauterelles); il y a de quoi faire puis l'ambiance est vraiment cool, on est dans une grotte tout seuls, au milieu de la forêt tropicale à prendre des photos, tranquilles. On arrive à 9h30 et on mange à 13h devant la grotte, on y reste jusqu'à 16h30, c'était super !
Neusticurus rudis
Heterophrynus longicornis
Ephippigères
Rhinella marina
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Blaberus giganteus
Heterophrynus longicornis
Cupiennius sp.
Ancylometes rufus
Heterophrynus longicornis femelle gravide
Retour au camp pour prendre une bonne douche, froide toujours, comme depuis le premier jour. Ca fait du bien de se doucher mais alors les douches froides je ne m'y ferai jamais !
Je nettoie un peu mon matériel qui a pris pas mal la poussière aujourd'hui.
On transfert les photos sur un disque dur et on se pose, on mange avec le son de la forêt et de la pluie, demain dernière journée ici.
Courte sortie ce soir, seulement une thomise (araignée crabe) et sa proie et deux Phyllomedusa vaillanti.
Phyllomedusa vaillantii
- 12 FEVRIER 2020
On retourne faire le sentier de la réserve Trésor, après quelques minutes on trouve une grosse chenille.
Peu après je trouve un terrier avec une Theraphosa blondi à l'intérieur, j'essaye de la faire sortir mais je vois que j'ai quelques tiques sur les mains, alors je les enlève puis je me rends compte que je n'ai pas juste "quelques" tiques mais plutôt plusieurs dizaines, littéralement, qui étaient en train de monter sur mon pantalon et mes bras. Il n'y a pas beaucoup d'animaux que je n'aime pas mais alors les tiques, c'est infernal ! J'essaye tant bien que mal de les enlever. On retourne à l'entrée du sentier et Damien prend la voiture pour aller au camp chercher une pince et de l'anti moustique/tique, pendant que je me déshabille pour secouer mes vêtements et pouvoir enlever toutes les tiques que je peux enlever. Super cette sortie ! Je finis en caleçon sur le parking à m'épier pour enlever les tiques... Génial.
Avant de rentrer au camp je manipule une belle matoutou (Avicularia avicularia) qui loge dans une broméliacée juste à côté.
On rentre et je file direct me doucher, mes vêtements à tremper et mon pantalon que j'avais troué deux jours avant fini à la poubelle, comme ça, plus de tiques !
On est retourné au sentier l'après midi et on y a fait une chouette observation d'un rapace, un urubu à tête jaune (Cathartes burrovianus). Il venait probablement de manger un paresseux ou un autre mammifère puisqu'on a trouvé deux amas de poils au sol, puis l'oiseau se frottait continuellement le bec qui sur les branches et ça sentait fort la charogne à côté de son perchoir.
On a rien vu d'autre et à 17h on retourne à la grotte pour y refaire des observations et des photos d'amblypyges entre autres. On compte une trentaine d'individus de toutes tailles, du très jeune au gros mâle adulte. Plusieurs exuvies au sol également, certaines vieilles, d'autre plus récentes et deux autres dataient d'aujourd'hui. Un specimen venait tout juste de s'extraire de son exuvie et donc était encore blanc, et un autre était bleuté. On repart à 19h et on rentre au camp.
Un crapaud buffle (Rhinella marina) se trouvait aussi dans la grotte, une belle bête !
- 13 FEVRIER 2020
Départ du camp et on comptait aller faire le sentier de Rorota mais quand on est arrivé il y avait déjà beaucoup de voiture, il faisait chaud, et on était crevé, alors on est même pas sorti de la voiture et on est allé au sentier de la Mirande à quelques kilomètres. L'accès était un peu compliqué avec notre petite voiture et on est juste crevés en fait. On cherche où dormir pour la dernière nuit mais on ne trouve rien dans le coin alors on appelle à Roura, ils ont de la place, et en plus un beau carbet tout complet, et avec de l'eau chaude ! Ca fait du bien !
Demain on repart alors profite de ne rien faire pour ranger nos sacs et être prêt pour le retour.
Une belle Matoutou (Avicularia avicularia) qui logeait sous le plancher du carbet où on dormait.
- 14 FEVRIER 2020
Le jour du retour ! Après une très mauvaise et courte nuit que j'ai fini assis sur une chaise devant la grande rivière Oyak, le casque audio sur les oreilles, à attendre que le jour se lève.
Pour le retour j'ai eu le droit a un petit contrôle de la douane à l'aéroport de Cayenne, avec fouille des sacs et interrogatoire. Et tout ça à cause de quoi ? D'un problème informatique... Ils ne voyaient pas nos bagages sur le vol aller, c'est donc comme si on était venu sans rien en Guyane, et on repartait avec 30kg chacun ! Ils pensaient peut-être faire la prise du siècle mais quand ils ont compris qu'ils ne trouveraient rien dans mes bagages ils n'ont pas cherché plus et n'ont pas pris la peine de fouiller les sacs de Damien ! Au moins maintenant je sais comment se passe un contrôle de la douane !
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Merci Damien pour ces dix jours ! Et merci d'avoir gardé ta malchance légendaire (je prenais un risque quand même :D) !
